Favoristime, algorithmes, X s’est en réalité déjà abandonné à l’Extrême Droite du fait de la guerre culturelle que mène son patron, Elon Musk. Médias cornerisés, pensées modérées ou progressistes sont désormais invisibilisés.
La guerre culturelle d’Elon Musk
Bien qu’ayant justifié le rachat de Twitter par la défense de la liberté d’expression (free speech), Elon Musk n’a jamais caché qu’il s’agissait en fait de mener un combat idéologique contre ce qu’il appelle le "woke mind virus". Ce tweet d’Elon Musk a par exemple été publié alors qu’il était en train de négocier le rachat de Twitter. Musk associe le "woke mind virus" à une potentielle destruction de la civilisation et à l’échec de son projet d’humanité multi-planétaire :
Mais qu’est-ce que le "Woke mind virus" ? Cette expression, qui ne correspond à aucun concept scientifique, est associée dans l’esprit d’Elon Musk aux luttes contre le racisme, le sexisme, la xénophobie, la misogynie, l’homophobie, l’islamophobie ou l’antisémitisme, comme en témoigne ce tweet :
Du haut de ses 200M d’abonnés sur X et après avoir modifié l’algorithme de X pour que sa parole y soit omniprésente, Elon Musk n’a cessé de promouvoir les idéologies et partis d’extrême-droite en relayant leurs discours ou en faisant la promotion de leurs comptes. Il le fait non seulement aux États-Unis, comme l’a montré son soutien indéfectible à Donald Trump, mais aussi dans de nombreux autres pays :
En Allemagne, Elon Musk soutient le parti d’extrême-droite ADF, en relayant par exemple intensivement le compte de @SeibtNaomi depuis juin 2024. Voici l’un de ses premiers échanges :
Après des dizaines d’interactions avec ce compte, ElonMusk en conclu que "seule l’ADF peut sauver l’Allemagne", on ne peut être plus clair :
En Italie, Elon Musk est très proche de la leader auto-déclarée post-fasciste Giorgia Meloni dont il rejoint le combat contre l’immigration :
Sa proximité avec Meloni l’a même amené à démentir une relation "romantique" :
Au Royaume-Unis, Elon Musk est déjà plusieurs fois intervenu lors de crises politiques, comme lorsqu’il a qualifié la guerre civile "d’inévitable" à propos d’émeutes déclenchées par l’extrême-droite du pays :
Elon Musk a annoncé le 18 Décembre 2024 qu’il serait prêt à financer à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars le parti anti-immigration de Nigel Farage, qui a été l’un des principaux artisans du Brexit.
De manière générale, Elon Musk martelle l’idée que l’Europe se dirige vers la guerre civile s’il n’y a pas d’opposition plus ferme à l’immigration :
Elon Musk est donc parti en guerre culturelle et s’est armé de X pour influencer l’opinion mondiale dans le sens des idées d’extrême-droite.
La bascule de X à l’extrême-droite
Lors du rachat de Twitter, l’audience de réseau social était pluraliste, avec une petite majorité d’utilisateurs progressistes. Depuis l’arrivée d’Elon Musk, les modifications introduites dans l’algorithmique de X qui gère la circulation des contenus, sa nouvelle politique de modération favorable aux contenus extrêmes et ses propres prises de parole, les idées d’extrêmes-droites y fleurissent désormais plus que sur tout autre réseaux de même envergure et sont mises en avant par l’infrastructure même du réseau.
Ainsi, le Wall Street Journal a démontré que "les nouveaux utilisateurs de X qui s’intéressent à des sujets tels que l’artisanat, le sport et la cuisine sont inondés de contenu politique" et leur fil d’actualité "Pour vous" est nourri "de messages qui penchent en faveur de Donald Trump et qui sèment le doute quant à l’intégrité de l’élection" présidentielle du 5 novembre 2024. Par ailleurs, Elon Musk a créé un système spécial pour faire en sorte que ses messages vous soient montrés en priorité dans le fil d’actualité, que vous le suiviez ou pas.
Toutes ces interventions dans l’infrastructure même de Twitter/X depuis le rachat de Twitter par Elon Musk font que les idées d’extrême droite règnent désormais en maître sur le réseau. C’était son but : gagner la bataille de l’opinion en mettant la main sur le premier réseau rassemblant les praticiens de l’information mondiale.
En France, le projet Politoscope du CNRS a documenté le glissement de la twittosphère politique française à l’extrême-droite entre 2016 et 2022, qui est d’ailleurs parallèle à l’effondrement des partis traditionnels [1]
Tenter de lutter contre ce système en restant sur X cela revient à un combat de Don Quichotte : sur Twitter/X, Musk a déjà gagné. Faut-il se rendre à un meeting d’extrême droite pour se faire huer ? Est-il nécessaire d’aller sur des médias d’extrême droite pour servir, au mieux, de punchingball, au pire d’idiots utiles ?
On pourrait combattre l’extrême droite sur Twitter si le réseau était géré avec pluralisme, ce qui était le cas au début, mais ne l’est plus désormais.
Le débat public a besoin d ’un dispositif clair et transparent qui assure à tous les courants idéologiques de pouvoir s’y exprimer. Contribuer à X revient à renforcer l’extrême droite.
En quittant X, nous espérons qu’il apparaisse bien pour ce qu’il est : un réseau social d’extrême droite, comme Parler ou Truth Social.
